"Zerrouki : le mystère des apparences", peintures de Zerrouki - Du 4 au 26 novembre
Vernissage vendredi 4 novembre à 19h30
"Zerrouki : le mystère des apparences"
Zerrouki revient à la peinture, comme tout exilé retrouve son pays. Chaque exposition est un retour, un voyage et un commencement. Revenir au pays, c’est retrouver le Dahra de Khadda et de Benanteur, ses maitres, sentir l’odeur de l’armoise et l’iode de la Méditerranée, retrouver Alloula, son frère des scènes de théâtre. Il sait, lui, l’ouvrier de la lumière, le scénographe inventif, que l’art est une patrie portée en soi, une mémoire faite de réalités que seul l’artiste saisit et nous montre, une réalité de joie et de blessures, d’un monde déchu, brisé, toujours à rebâtir.
A regarder une à une ces toiles on a l’impression que chacune est générée par la précédente, qu’elles sont au miroir l’une de l’autre tout en restant autonomes et uniques. Miraculeux travail de la lumière que Zerrouki met en abyme en déréglant la perspective et en rabattant les trompe- l’œil et les illusions d’optique. Entre figuration et abstraction, la poésie picturale triomphe. L’artiste semble peindre sur la surface de l’eau avec des chromas diaphanes de bleu, carmin, ocre, jaune, violet, des fluidités musicales qui enveloppent la rétine, provoquent l’imagination et happent l’œil vers le cœur vivant de la toile.Zerrouki sait que tout calcul est vain ou aléatoire pour celui qui cherche l’héritage des fantômes et qui tente d’ouvrir les yeux aveugles d’une statue exhumée d’un séisme. Tout tableau de Zerrouki est une ébauche qui n’a pas de fin, la figure qui émerge est sans antécédent, elle est rebelle et éphémère, et qu’il lui faut donc la capturer d’un halo brumeux, la tenir dans la pupille, puis la libérer et la composer : métamorphose infinie de la réalité. Rester in extrémis en équilibre face au chevalet, c'est-à-dire dans l’instant décisif où la forme surgit et déjà menace de disparaitre. Tel un funambule, le peintre marche au dessus du vide, traverse l’espace sur un fil, chaque pas est un risque. Maitriser la sensation du vertige et de la chute, laisser le pinceau balayant la toile comme la pointe affolée d’un sismographe ou d’un regard ivre, lutter contre l’attraction du gouffre, capter son énergie, réduire l’excès de tension, d’impatience ou de rigidité, extraire de l’intuition l’idée qui épousera les contours, fixera l’éphémère dans la courbe, l’aplat, la touche pointilliste, la coulée translucide, l’empâtement vibrant, emplira les vides, fera apparaitre la forme, et l’œuvre naitra. Les frontières entre la vie et l’art s’estompent, la toile devient la métaphore du cosmos.
Par Benamar Médiène, professeur