Rencontre avec Samia Ziriat Bouharati autour de son ouvrage "Lettres d'un prisonnier de la guerre d'Algérie. Les giboulées de mars" - Jeudi 13 juin 2019 à 18h30

Les lettres de prison de mon père adressées à ma mère sont tout simplement un hymne à l'amour, d'une femme, mais aussi d'un pays, l'Algérie. Les deux se confondent presque et sont indissociables. La douleur du sacrifice n'est supportée que parce qu'il y a ce lien sacré qui le lie à cette femme qu'il aime, dont il est convaincu au plus profond de son être qu'elle lui voue à lui, l'enfant blessé et malheureux qu'il a été, l'amour le plus fou, le plus inconditionnel. On aurait tendance à retenir des récits de guerre, des témoignages, qu'un côté sombre et tragique.
J'aimerais ne retenir pour ma part, d'une manière consciente et volontaire, que l'amour, que la force d'un sentiment qui a lié mes parents, et que l'incarcération de mon père révèle au grand jour. C'est aussi une manière d'exorciser un lourd passé qui nous pèse. Même à ceux qui comme moi ne l'ont pas vécu. Les mémoires familiales nous poursuivent malgré nous, mais jusqu'à quand ? D'où l'utilité salvatrice de l'écriture que je recommande à ceux et à celles qui veulent enfin regarder l'avenir en s'étant allégés des démons de leur passé.
Derradji Bouharati est né à Sétif. Après de courtes études, il opta pour le métier de peintre-tapissier. A la suite de longues années d'emprisonnement, il fut nommé maire de la commune d'Hussein-Dey, à l'indépendance, en 1962. Il travailla ensuite en tant que chef de service dans une entreprise publique, la SN Métal, puis s'engagea dans le syndicalisme jusqu'à sa retraite. Ses dernières années, jusqu'à son décès en mars 1998, il fut actif, travaillant avec ses deux fils dans leurs entreprises familiales.
Samia Ziriat Bouharati a étudié à la faculté d'Alger. Elle est économiste de formation, et a longtemps travaillé dans le secteur du livre et de l'édition. Fondatrice d'une association franco-algérienne Origin'Al, elle milite pour la promotion du livre et anime des conférences. Il s'agit là d'un premier essai, la publication des lettres de prison de son père Derradji Bouharati.